Dans un monde redevenu dangereux, la France doit consentir les efforts budgétaires nécessaires pour assurer sa Défense

 

Alors que les menaces ne cessent de croître, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du territoire National et au-delà aux frontières de l’Europe, depuis trois décennies la France et les membres de l’Union Européenne, croyant naïvement « récolter les dividendes de la paix », n’ont cessé de diminuer leurs budgets de Défense et par conséquence leurs capacités à assurer leur propre sécurité.

Pour faire face à la montée inexorable des menaces, dans un monde de plus en plus dangereux, la France doit désormais mettre en cohérence ses ambitions en matière de Défense et les efforts budgétaires nécessaires pour y parvenir.

Au-delà des menaces, décrites dans les Livres Blancs sur la Défense et la sécurité Nationale de 2008 et 2013 et plus récemment dans la revue Stratégique de Défense et de Sécurité Nationale de 2017, les ruptures stratégiques se sont multipliées ces dernières années. Après plus de 50 ans de guerre Froide, le monde du XXIème siècle est en voie de devenir plus dangereux, que celui du siècle précédent.

Désormais, les démocraties, se trouvent confrontées simultanément au terrorisme islamiste, à la prolifération, à la pression des états dirigés par des régimes forts comme la Chine, la Russie et la Turquie qui d’année en année augmentent leur potentiel militaire et revendiquent leur statut de puissance régionale ou mondiale, pratiquant la politique du fait accompli.

De plus, les Etats-Unis, principal allié de l’Europe, en prise au populisme, aggravent le désordre international en bafouant unilatéralement les traités et les alliances stratégiques à commencer par celle de l’OTAN.

La guerre se transforme et n’est plus l’apanage des Etats. Désormais, hybride ou asymétrique, elle se déplace sur des terrains de confrontation jusqu’à lors inédits comme le cyberespace ou l’espace extra-atmosphérique.

Paradoxalement, face à un monde de plus en plus dangereux qui se réarme, la France, à l’image de l’Europe, n’a cessé de diminuer son effort de Défense et se trouve en passe de perdre l’avance technologique dont elle disposait. Alors que l’effort budgétaire des Etats-Unis en matière de Défense, représente 40% des dépense mondiales dans ce domaine, les budgets cumulés des pays de l’Union Européenne ne pèsent que 15%. Le pourcentage du PIB de la France consacré à la Défense est passé de 5,79% en 1960 à 1,77% en 2017 (pensions incluses). « Bon élève » de la « Réforme de l’Etat », le ministère des Armées a assumé 40% de la réduction des dépenses de l’Etat au cours des dix dernières années.

 

Pour autant, après le Brexit, la France restera l’unique pays de l’Union Européenne à être membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, à disposer d’un modèle d’armée complet, d’une dissuasion Nucléaire indépendante et de moyens d’acquisition du renseignement lui permettant une autonomie de décision.

Pour garder son statut international, la France doit augmenter les ressources consacrées à sa Défense. La Loi de Programmation Militaire 2019-2025, ambitionne d’atteindre un budget de 2% du PIB (hors pensions) en 2025, par une augmentation annuelle de 1,7 milliards d’Euros à partir de 2019 et une augmentation de 3 milliards en 2023. L’augmentation des effectifs devraient être de 6 000, d’ici 2025.

Néanmoins, une grande partie de ces efforts salutaires ne servira qu’à rattraper le temps perdu. En effet, les besoins liés à la mise à hauteur de la dissuasion, la modernisation des équipements, la remontée en puissance des effectifs et des matériels pour retrouver l’adéquation avec le niveau d’engagement, le coût des opérations extérieures, demeurent très importants.

Dans un monde multipolaire de plus en plus menaçant, après des décennies de baisse des budgets consacrés à sa Défense, la France semble avoir décidé de se donner les moyens de protéger ses citoyens et ses intérêts stratégiques et de maintenir son rang au niveau international. Néanmoins, cet effort devra rester constant et rompre avec les vieux démons, notamment celui de considérer la Défense comme une variable d’ajustement budgétaire.

Général de division (2s) Christian PERALDI